Les Cerfs-Volants de Bali

À Bali, le ciel se remplit de couleurs et de formes spectaculaires chaque été lors du Bali Kite Festival de Sanur. Cet événement attire des milliers de participants et de spectateurs de toute l'île. Les cerfs-volants, connus localement sous le nom de « Layangan », ne sont pas de simples jeux d’enfants, mais des créations artistiques soigneusement conçues et construites avec une attention des plus sérieuse. Le festival de Sanur célèbre une tradition séculaire avec des compétitions où les équipes rivalisent pour l’honneur et la gloire. Les cerfs-volants, souvent gigantesques, atteignent plusieurs dizaines de mètres de long et sont décorés de motifs complexes qui évoquent les traditions religieuses.

Jusqu'à la fin du 20ème siècle, les origines du cerf-volant étaient généralement attribuées à la Chine, remontant au 4ème siècle avant J.-C. Les Chinois auraient utiliser principalement les cerfs-volants à des fins militaires, pour transmettre des messages, évaluer les distances, ou effrayer l'ennemi. Selon des textes historiques, l'inventeur du cerf-volant serait Gōngshū Bān, un ingénieur qui aurait fait voler un oiseau mécanique, qui pourrait avoir été un cerf-volant avec des ailes en tissu et une structure en bambou.

De nombreuses légendes soutiennent cette origine chinoise, telle que celle du général Hán Xìn qui, vers le 2ème siècle avant notre ère, aurait utilisé un cerf-volant pour mesurer la distance entre son armée et une forteresse ennemie. En 1997, une découverte a bouleversé cette théorie : une peinture rupestre a été mise au jour dans une grotte du village de Liang Kabori, sur l'île de Muna à Sulawesi. Cette peinture représente un homme tenant un cerf-volant. Cette découverte suggère que le cerf-volant pourrait en fait provenir d'Indonésie, remettant en question les origines chinoises traditionnellement acceptées.

Des Origines Controversées
L'Art de la Fabrication

Les origines du cerf-volant à Bali remontent à plusieurs siècles. Selon les récits locaux, les premiers cerfs-volants ont été utilisés dans des rituels agricoles pour assurer de bonnes récoltes. Ils étaient considérés comme des messagers , « Layangan », qui dérive du mot Sanskrit Layang et qui signifie lettre, capables de transmettre les prières des villageois aux divinités célestes. Les cerfs-volants traditionnels, fabriqués à partir de matériaux naturels comme le bambou et les feuilles de bananier, étaient souvent décorés de motifs symboliques représentant des animaux ou des figures mythologiques.

À Bali, le vol des cerfs-volants est appelé "Melayangan" et est étroitement lié au mythe du Dieu Rare Angon, qui signifie "l’enfant du berger". Dans la culture balinaise, Rare Angon, une des manifestations de Shiva, est considéré comme le dieu des enfants et des cerfs-volants. La légende veut que pendant la saison des récoltes et aujourd’hui des cerfs-volants, Rare Angon descende sur Terre, portant une flûte dont il joue pour invoquer le vent. Et alors que les cerfs-volants s'élèvent dans le ciel, ils emportent avec eux les espoirs et les prières des Balinais, tissant un lien invisible entre la terre et le ciel.

Histoire du Cerf-Volant à Bali

Les cerfs-volants traditionnels balinais se distinguent par leur taille impressionnante et leurs formes variées. Les trois types principaux sont le "Bebean", qui tire son nom du mot balinais signifiant "poisson" (be), le "Janggan", qui se traduit par "dragon", tire son nom de la forme en tête de dragon que l'on trouve à l'extrémité du cerf-volant, et le "Pecukan", réputé pour être le plus complexe a concevoir et manipuler. Les dimensions de ces cerfs-volants pouvant atteindre plus de 50 kg et plusieurs dizaine de mètres de long, nécessitent une équipe entière pour les lancer et les contrôler.

Fabriqués à partir de bambou léger et de toile, souvent ornés de motifs traditionnels et de couleurs vives, ces cerfs-volants sont des œuvres d'art en mouvement. La construction d'un cerf-volant balinais est un processus minutieux qui combine savoir-faire traditionnel et créativité. Les artisans locaux, appelés "Seniman layangan", sélectionnent avec soin le bambou pour sa flexibilité et sa résistance, et utilisent des tissus colorés pour créer des motifs complexes.

Chaque cerf-volant est conçu avec précision pour assurer un vol stable et gracieux. Les techniques de fabrication, sont secrètement gardées par les artisans du Banjar, faisant de chaque création une pièce unique et précieuse. La conception et la fabrication peuvent durer plusieurs semaines, avec une attention particulière portée à l'équilibre et à la symétrie, qui assureront un décollage réussi et un vol gracieux aux cerfs-volants.

À Bali, les compétitions de cerfs-volants se déroulent comme un ballet aérien d'une complexité fascinante, où tradition et spectacle se mêlent dans une ambiance survoltée. Toute compétition est précédée d’une cérémonie de bénédictions empreinte de spiritualité. Les participants se rendent dans un temple du quartier, où les membres du Banjar, organisation communautaire, présentent des offrandes et invoquent les esprits protecteurs pour assurer la sécurité et la réussite de leurs cerfs-volants.

Ce rite ancestral, chargé de dévotion, vise a obtenir la bénédiction de l’esprit incarné dans le cerf-volant. Une fois bénis, ils sont soigneusement transportés vers le site de compétition. Le trajet est un événement en soi, souvent accompagné de chants et de danses traditionnelles qui évoquent la fierté et la passion des créateurs. Arrivés sur le lieu du festival, les cerfs-volants sont montés avec précision, prêts à s'élancer dans le ciel balinais. Le concours, qui se déroule généralement a quelques mètres des plages, devient un spectacle époustouflant de formes et de couleurs en mouvement.

Les cerfs-volants rivalisent d'élégance et de créativité, flottant et dansant au gré du vent. Les juges, perchés sur des tribunes, évaluent chaque cerf-volant selon des critères rigoureux : la beauté visuelle, la maîtrise du vol et l'originalité de la conception. Ce festival, véritable célébration de la culture balinaise, attire des spectateurs de tous horizons et témoigne de la fusion entre art traditionnel et enthousiasme communautaire.

Du Temple au Ciel, La Magie des Compétitions