Le Pigeon Rose de Maurice :
Histoire d’une extinction évitée
Le Pigeon Rose (Nesoenas mayeri), endémique de l'île Maurice, longtemps au bord de l'extinction, incarne aujourd'hui un succès de conservation et de lutte pour la préservation de la biodiversité de l'océan Indien. Mais malgré 50 années d’actions de préservation, les menaces pèsent encore.
Le Pigeon Rose évolue principalement dans les forêts tropicales de l'île Maurice, comme le parc national des Gorges de Rivière Noire ou l’île aux Aigrettes où il a été réintroduit. Ces habitats offrent un mélange idéal de zones boisées d'altitude à feuilles persistantes où l'oiseau arboricole se nourrit principalement de la flore indigène dont il consomme bourgeons, fleurs, feuilles, fruits et graines, essentiels à son régime alimentaire varié et donc à sa survie.
Le parc national des Gorges de Rivière Noire, principal lieu d’habitat du pigeon rose, couvre une superficie de 67,54 km², sa forêt couvre 2,5% de la surface de l’île et on y retrouve plus de 300 espèces endémiques de plantes et 9 espèces d’oiseaux uniques à Maurice.
Environnement de Vie
Causes de la Diminution de la Population
Reconnaissable à son plumage, son contour d’œil et son bec, tous rose pâle, le Pigeon Rose se distingue non seulement par sa couleur unique mais aussi par sa taille, jusqu’à 40 cm du bec à la queue. Également appelé pigeon des mares, il est l’une des neuf espèces d’oiseaux endémiques survivantes à l’île Maurice et l’unique pigeon des Mascareignes toujours en existence. L’espèce est aujourd’hui considérée « vulnérable » après avoir été classée il y a quelques années « en danger critique d’extinction ». La population actuelle est estimée à un peu plus de 600 individus.
Les Pigeons Roses sont généralement monogames, formant des couples pour la vie. Cette fidélité joue un rôle particulier dans la stabilité de leurs populations, chaque couple travaillant ensemble pour construire et protéger leur nid. Ceux-ci sont particulièrement fragiles, souvent construits de manière rudimentaire avec des brindilles, les rendant vulnérables aux prédateurs et aux intempéries. En moyenne, une femelle Pigeon Rose pond un ou deux œufs par couvée, et le couple peut élever deux à trois couvées par an, taux de reproduction relativement bas qui rend difficile le développement des populations.
Particularités du Pigeon Rose
À la fin des années 1970, le Pigeon Rose était au bord de l'extinction, avec seulement une dizaine d’individus recensés. Cette situation était principalement due à la perte d'habitat causée par l'exploitation agricole et forestière des décennies passées, seulement 2% de la forêt primaire ayant été préservée, réduisant drastiquement les possibilités de se nourrir pour ces animaux.
La prédation des nids et des couvées par des animaux exotiques invasifs, tels que les rats, les chats harets, les macaques et les mangoustes, importés par les colons, a également accéléré le déclin des populations.
D’autres causes comme l’implantation d’espèces de plantes envahissantes telles que la goyave de Chine ont dégradé l’habitat naturel et réduit le potentiel d'alimentation et de reproduction de ces oiseaux, la concurrence avec des oiseaux importés pour les ressources disponibles et les maladies transmises par ceux-ci, tel que la Trichomonose (affection parasitaire de la gorge), aurait également précipité le déclin.
En 1976, Gerald Durrell, naturaliste, écrivain et fondateur du zoo de Jersey, en visite privée à l’île Maurice, s’accorde avec les autorités locales pour apporter son aide dans la conservation des espèces endémiques insulaires, dont le pigeon rose. Il propose de ramener plusieurs pigeons des mares, sous sa gestion, au Jersey Zoo du Royaume-Uni, afin d’éviter l’éventualité qu’une maladie ou un sinistre localisé cause la perte complète de l’espèce.
En parallèle, un programme d’élevage en captivité est mis en place à Jersey et à l’île Maurice, notamment suivi par Carl Jones et Yousouf Mungroo. En 1984, un premier essai de relâcher, qui a pour but de développer la technique, est réalisé au jardin botanique de Pamplemousses.
Puis à partir de 1987, plusieurs relâchers de pigeons nés en captivité sont réalisés avec succès, ainsi que l’implantation de sous-populations dans diverses régions, dont les les gorges de la rivière noire et l’île aux Aigrettes, qui elle, est dépourvue de prédateurs, ceux-ci ravageant toujours les populations de l’île principale.
Les actions de réintroduction ramèneront la population de pigeons roses à 330 individus en 2000 puis à plus de 400 en 2020 et à environ 600 aujourd’hui.
Rétablissement de la Population
Les travaux conjoints du Conservation Unit du Forestry Service, qui deviendra par la suite le National Parks and Conservation Service (NPCS), de la Mauritian Wildlife Foundation et du Durrell Wildlife Conservation Trust, après avoir construit les centres d'élevage qui ont permis de relâcher des oiseaux dans la nature, ont eu pour objectif de restaurer et protéger les habitats naturels.
L’installation de stations de nourrissage pour assurer une alimentation complémentaire et de nichoirs artificiels pour compenser le manque d’arbres ont également été des étapes clés pour pérenniser le développement des populations.
Une surveillance quotidienne par les équipes de la Mauritian Wildlife Foundation est mise en place, tout comme le contrôle des espèces invasives telles que les rats et les chats sauvages, qui menacent les nids de Pigeons Roses.
Une nouvelle étape est franchie en 2019, avec le rapatriement de pigeons depuis Jersey, qui a pour objectif d’enrichir la diversité génétique de l’espèce à l’état sauvage, appauvrie du fait de la consanguinité répétée, conséquence du peu d'individus qui ont subsisté sur l'île.
Stratégies de Conservation
Carte du Parc National des Gorges de Riviere noire
Vue sur les gorges
Pigeon rose bagué a l'interieur du parc
Aire d'alimentation protegée
Pigeon rose
Zone boisée a proximite de Petrin
Jeune pigeon rose
Défis Futurs
Malgré les succès, des défis persistants menacent la survie à long terme du Pigeon Rose. La fragmentation de l'habitat due à l'urbanisation continue et les effets du changement climatique, tels que les cyclones de plus en plus fréquents, représentent des menaces sérieuses.
La question de l’appauvrissement du génome n’est également pas réglée définitivement, les scientifiques estimant que le pigeon aurait une charge génétique élevée de mauvaises mutations. L'histoire du Pigeon Rose de Maurice est un exemple inspirant de la façon dont la collaboration entre conservationnistes, gouvernements locaux et communautés peut inverser le déclin d'une espèce en voie de disparition.
Alors que nous célébrons leur succès, il est crucial de continuer à soutenir les efforts de conservation et à sensibiliser le public à l'importance de préserver les habitats naturels uniques de l'île Maurice.