Ressusciter le Dodo, Mais Pour Quoi Faire ?

Le dodo, ou Dronte de Maurice, est une espèce d’oiseaux de l'ordre des Columbiformes, endémique de l’Ile Maurice, disparue depuis la fin du XVIIe siècle et devenu depuis un symbole global de l'extinction causée par l'activité humaine. L'idée de ramener cet animal à la vie grâce à la science moderne semble à la fois fascinante et controversée.

Le dodo (Raphus cucullatus) vivait exclusivement sur l'île Maurice, il mesurait environ un mètre de haut et pesait entre 10 et 20 kilogrammes. Sa disparition est souvent citée comme l'un des premiers cas documentés d'extinction d’espèce causée par l'homme. Les récits des marins hollandais du XVIIe siècle décrivent le dodo comme un oiseau si grand et si gros qu’ils ne pouvaient pas voler. Peu farouche et très lent, si facile a capturer, il est devenu une proie facile pour les hommes, son nom pourrait parvenir du portugais Doudo qui signifie "stupide" ou du néerlandais Dodoors "paresseux".

Contrairement a ce que nous pensions, le dodo n’a pas disparu dans les assiettes des colons. La principale cause de son extinction fut l'introduction d'espèces invasives importées telles que les rats, les macaques et les porcs, qui se nourrissaient des œufs et détruisirent l'habitat naturel du dodo. A la fin du XVIIe siècle, moins de 100 ans après le premier contact européen, le dernier dodo avait disparu .

Cette histoire tragique est devenue un symbole des ravages écologiques causés par la colonisation humaine et de la nécessité de protéger les espèces menacées. Alors que les initiatives de conservation prennent de plus en plus d'importance, le dodo continue d'occuper une place particulière dans l'imaginaire collectif. Mais l’idée de faire revivre cette espèce disparue n’est plus seulement un rêve, grâce aux avancées en biotechnologie, certains chercheurs pensent que cela pourrait devenir une réalité.

Disparition du Dodo : Histoire Coloniale
Un Environnement Radicalement Changé

La science de la "dé-extinction" a fait des progrès significatifs ces dernières années. En 2009 en Espagne, une équipe de chercheurs a réussi à cloner une sous espèce du bouquetin des Pyrénées disparue depuis 2000, même si l'animal est mort quelques minutes après sa naissance. Ce succès partiel a donné un nouvel élan aux recherches autour de la résurrection d'espèces éteintes comme le mammouth laineux et, bien sûr, le dodo.

La société américaine Colossal Biosciences, connue pour son projet de ressusciter le mammouth laineux, a annoncé en 2023 son intention de redonner vie au dodo. La base de cette ambition repose sur le séquençage complet de l'ADN du dodo, réalisé à partir de restes fossiles conservés dans des musées. Cependant, cette technologie reste complexe et coûteuse. Selon des estimations, la recherche en biotechnologie pour ressusciter des espèces pourrait coûter des millions de dollars sur plusieurs décennies .

Les défis scientifiques sont multiples. Bien que l'ADN du dodo soit séquencé, les scientifiques doivent également identifier un oiseau proche (tel que le pigeon de Nicobar) pour servir de base à la modification génétique. Ensuite, vient la question de l’élevage de ces créatures dans des conditions contrôlées avant leur éventuelle réintroduction dans la nature. Mais même si ces obstacles sont franchis, se pose la question fondamentale de savoir « où et comment le dodo pourrait vivre à nouveau ».

Projets de Résurrection Scientifique

Lorsque le dodo a disparu à la fin du XVIIe siècle, l'écosystème de l'île Maurice était déjà en pleine mutation en raison de la colonisation. Aujourd'hui, la forêt indigène qui couvrait l'île a été en grande partie remplacée par des plantations de canne à sucre, des villes, et des infrastructures modernes. Seules des poches isolées de forêt subsistent, où des espèces envahissantes continuent de menacer la biodiversité endémique.

Le dodo, autrefois parfaitement adapté à son environnement, pourrait-il survivre dans cette nouvelle réalité écologique ? La réintroduction d'espèces disparues présente des risques, car cela peut entraîner des déséquilibres dans les écosystèmes actuels. Selon des études écologiques, il est essentiel de recréer un habitat protégé, exempt de prédateurs introduits, pour donner au dodo une chance de prospérer. Cependant, cela nécessiterait de vastes zones de conservation et des efforts constants pour éradiquer les espèces envahissantes.

De plus, les besoins alimentaires du dodo sont mal connus, car il n'existe que peu de documents sur son régime alimentaire naturel. Si l'on ne peut pas recréer exactement l'écosystème du dodo, il est peu probable que l'espèce puisse s'épanouir en autonomie. Ainsi, au lieu de devenir une espèce restaurée dans son milieu naturel, le dodo pourrait finir par devenir une curiosité touristiques dans des parcs ou des réserves zoologiques, soulevant des questions éthiques sur la finalité de sa résurrection.

Les coûts financiers de ce projet soulèvent d’importantes questions éthiques et économiques. Colossal Biosciences et d'autres chercheurs soulignent l'importance des avancées scientifiques réalisées grâce à ces projets, affirmant que la recherche en biotechnologie pour la dé-extinction pourrait bénéficier à la conservation d'autres espèces en danger. Par exemple, les techniques utilisées pour cloner et réintroduire le dodo pourraient être appliquées à des espèces actuellement menacées, comme le pigeon rose de Maurice.

Certains critiques soulignent que les ressources financières et humaines consacrées à la résurrection d'espèces éteintes pourraient être mieux utilisées pour protéger les écosystèmes menacés et les espèces en danger immédiat. La crise de la biodiversité mondiale est déjà alarmante : selon un rapport de l'ONU en 2019, un million d'espèces pourraient disparaître au cours des prochaines décennies . Pourquoi ne pas concentrer nos efforts sur la préservation de ces espèces plutôt que de tenter de recréer celles que nous avons déjà perdues ?

Les débats éthiques autour de la « dé-extinction » sont donc nombreux. D'un côté, ramener une espèce comme le dodo pourrait symboliser une victoire scientifique et représenter un moyen de restaurer la biodiversité perdue. De l'autre, cela pourrait détourner l'attention des problèmes immédiats de conservation, tels que la perte d'habitats, le changement climatique, et la déforestation. De plus, certains craignent que l’idée de ressusciter des espèces disparues envoie le mauvais message : celui que la destruction d’espèces et d'écosystèmes est réversible grâce à la technologie.

Un Projet Coûteux et Controversé
Un Dilemme Ecologique et Ethique

Le projet de résurrection du dodo fascine autant qu'il interroge. Il incarne les rêves de la science moderne, tout en nous confrontant à des questions profondes sur la responsabilité de l'humanité envers les espèces disparues. Si la technologie permettait de ramener le dodo à la vie, il resterait encore à savoir si cela est éthique, et surtout, utile.

Dans un monde où des millions d'espèces sont menacées d'extinction, et où des écosystèmes entiers sont en danger, il est légitime de se demander si cet argent et ces efforts ne seraient pas mieux investis ailleurs. La résurrection du dodo peut-elle vraiment aider à restaurer les écosystèmes de Maurice, ou est-elle simplement une distraction coûteuse ? Le débat reste ouvert, mais une chose est certaine : la disparition du dodo doit rester un rappel puissant de l'impact de l'humanité sur la nature.