Urgence Climatique :

Les Émissions de Gaz à Effet de Serre toujours à la Hausse

A quelques jours de l'ouverture de la COP29, qui se tiendra à Bakou en Azerbaïdjan, l'ONU tire la sonette d'alarme en publiant une mise à jour des objectifs de reduction des gaz à effet de serre (GES) basé sur les engagements actualisés des pays pour l'année 2030. Et celui-ci est très inférieur aux objectifs fixés lors des Accords de Paris en 2015. En effet, alors que pour limiter la hausse des températures à +1.5 degrés, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a preconisé une reduction de 43% des GES pour 2030, la mise a jour des politiques nationales menerait a une baisse de 2,6%. Ce qui fait dire à Simon Stiell, secrétaire executif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) : « La pollution par les gaz à effet de serre à ces niveaux garantira un naufrage humain et économique pour tous les pays, sans exception ». C'est l'occasion pour nous de revenir sur les chiffres et les scénarii du 6ème et dernier rapport du GIEC, un document de référence sur l'état actuel du climat et des conséquences futures de la hausse des émissions de gaz à effet de serre, et dont les conclusions sont pourtant claires : le changement climatique est réel, est imputable aux activités humaines, s'accélère et a déjà des effets néfastes sur les populations et la biodiversité à travers le monde. Ce rapport est un appel à l'action urgente, pour éviter des conséquences catastrophiques.

Le dernier rapport du GIEC (AR6), souligne l'augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre (GES) et, malgré les engagements de l'Accord de Paris de 2015 signés par 195 pays, les émissions liées aux activités humaines ont encore progressé de 1,3 % entre 2022 et 2023 atteingnant 57.1 gigatonnes d'equivalent C02. A ce rhytme, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), elle pourrait entrainer un rechauffement global de +3.1 degrés Celsisus d'ici la fin du siècle. Les émissions sont principalement dues aux activités humaines telles que l'industrie, l'énergie, les transports et l'agriculture. Depuis l'époque préindustrielle, les concentrations de dioxyde de carbone (CO₂) n'ont cessé d'augmenter, atteignant en 2023 une concentration de 42O parties par million (ppm), soit une augmentation estimée de 151 % par rapport au niveau de 1750.

La Hausse des Émissions de Gaz à Effet de Serre
Impact du Changement Climatique sur la Biodiversité

L'une des réalités les plus alarmantes révélées par ce 6ème rapport du GIEC est l'aggravation des phénomènes climatiques extrêmes. Les épisodes de canicule, les précipitations extrêmes, les sécheresses prolongées et les tempêtes tropicales deviennent plus fréquents et plus intenses. Les travaux de recherche montrent que 3,6 milliards de personnes vivent déjà dans des zones très sensibles au changement climatique. Au cours de la dernière décennie, 24 millions de déplacements en moyenne ont été causés par des catastrophes chaque année : 92 % ont été déclenchés par des aléas météorologiques (les inondations représentant près de la moitié de ces déplacements) et le reste par des catastrophes géophysiques, comme les tremblements de terre. En 2023, les inondations ont provoqué le déplacement de 9,8 millions de personnes.

Les exemples concrets des conséquences de ces phénomènes sur la vie quotidienne des populations se multiplient comme les inondations meurtières de 2024, en Afrique, en Europe centrale et en Asie du Sud, qui ont tué des centaines de personnes et en ont poussé des milliers d'autres à se déplacer. L'ouragan Milton qui a balayé le sud-est des Etats-unis debut octobre 2024, a lui fait 16 morts et plus de 50 milliards de dollars de dégâts. Ces événements ont des coûts humains et économiques énormes, affectant la santé, les infrastructures, et menaçant la sécurité alimentaire. Les experts estiment que la probabilité d'observer des événements climatiques extrêmes augmentera significativement avec chaque demi-degré supplémentaire de réchauffement global.

L'Augmentation et l'Aggravation des Phénomènes Climatiques Extrêmes

La biodiversité est l'une des victimes silencieuses du changement climatique. Le rapport met en lumière les impacts directs sur les habitats et les espèces, en particulier dans les écosystèmes fragiles comme les récifs coralliens, les zones arctiques, et les forêts tropicales. On estime que jusqu'à un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction d'ici 2050 (source : IPBES). Les changements de température et la modification des cycles de précipitations perturbent les systèmes écologiques, provoquant des migrations massives d'espèces, l'altération des périodes de floraison et de reproduction, ainsi que la disparition d'habitats critiques.

L'acidification des océans est une des conséquences meconnues de l'augmentation des émissions de CO2 anthropiques. Environ 23% du dioxyde de carbone produit est absorbé par les océans, et l'augmentation des concentrations de CO2 entraîne leur acidification . Depuis le début de l'ère industrielle, le pH des océans a baissé de 0,1 unité, soit une augmentation de 26% de l'acidité. Cette acidification a des impacts dévastateurs sur la vie marine, en particulier sur les organismes tels que les coraux, les mollusques et certains types de phytoplancton. Ces organismes ont du mal à produire et à maintenir leur coquille ou squelette en carbonate de calcium dans un milieu plus acide, ce qui menace l'ensemble de la chaîne alimentaire marine. Par exemple, les récifs coralliens, qui abritent plus de 25% des espèces marines, risquent de disparaître, menaçant ainsi la biodiversité marine et les moyens de subsistance des millions de personnes qui dépendent des océans.

Les forêts, les océans, et les sols jouent un rôle fondamental dans la régulation du climat, agissant comme des puits de carbone qui absorbent une partie significative du CO₂ émis par les activités humaines, environ 54% en 2019 selon le GIEC. Le rapport AR6 souligne l'importance cruciale de préserver ces puits de carbone pour limiter le réchauffement climatique. Les écosystèmes terrestres, comme les forêts tropicales et les zones humides, absorbent environ 31% des émissions mondiales de CO₂ chaque année, mais la déforestation, 10 millions d'hectares de forêts ont été détruites chaque année sur la période 2015-2020, menace leur capacité à jouer ce rôle. Malgré une baisse des surfaces de forêt supprimées ces 2 dernières années, en particulier au Brésil, des chercheurs alertent sur l'effondrement de la capacité d'absorobtion des écosystème terrestres en 2023. Les sécheresses et les incendies violants de 2023 seraient à l'orignie de ce phénomène, les forêts ayant absorbé seulement entre 1,5 milliard et 2,6 milliards de tonnes de CO2 en 2023, contre 9,5 milliards de 2022. Une étude à long terme doit encore déterminer si cet épisode est particulier ou chronique.

Les océans et les écosystèmes côtiers comme les mangroves, qui absorbent environ 23% du CO₂ mondial, sont de plus en plus chauds et acidifiés, ce qui nuit à la biodiversité marine et réduit leur capacité d'absorption. Les gaz étant moins solubles dans une eau plus chaude, il faut s'attendre à une baisse d'efficacité de ces puits de carbone. Avec une hausse actuelle de température de 1,1 °C, on estime que 60% des écosystèmes marins de la planète ont déjà été dégradés ou qu’ils sont utilisés de façon non durable. Un réchauffement de 1,5 °C menace de détruire 70 à 90% des recifs coralliens, et une hausse de 2 °C entraînerait la disparition de presque 100 % des récifs, ce qui aggraverait encore la situation.

Les Enjeux de la Préservation des Puits de Carbone

Le changement climatique représente une menace croissante pour la sécurité alimentaire mais aussi pour la securité sanitaire mondiale. Dans ces conditions, les travailleurs sont en première ligne, selon l'Organisation Internationale du Travail (OIT), 70% des travailleurs dans le monde sont susceptibles d'être exposés aux risques sanitaires liés au changement climatique, soit plus de 2,4 milliards d'individus. Une étude de l'Organisation mondiale de la Santé, estime qu'environ 489 000 décès liés à la chaleur ont été recensés chaque année au niveau mondial entre 2000 et 2019. A l'horizon 2050, dans le scénario plus qu'optimiste d'un réchauffement planétaire limité à 2° C, les décès annuels liés à la chaleur extrême devraient augmenter de 370 %. Le changement climatique contribue également à la propagation de maladies transmises par les moustiques, comme le paludisme, qui a fait 608 000 morts en 2022 et a touché 248 millions de personnes, en élargissant les zones géographiques propices à leur prolifération. La sécurité sanitaire mondiale est à risque, avec des infrastructures médicales dans les pays les plus touchés qui peinent à faire face à l'augmentation des épidémies et à la malnutrition.

Les populations humaines ressentent déjà les effets directs du changement climatique. Le UNHCR estime que, chaque année, environ 21,5 millions de personnes sont déplacées en raison d'événements météorologiques exacerbées par le changement climatique. Ces déplacements touchent particulièrement les populations les plus vulnérables, vivant dans des régions exposées aux risques naturels, comme les zones côtières ou les régions arides. L'insécurité liée aux phénomènes climatiques aggrave également les inégalités sociales, économiques et de genre. En Afrique subsaharienne, les femmes et les enfants sont particulièrement exposés aux conséquences de la sécheresse, car ils sont souvent responsables de la collecte de l'eau et de la nourriture. Selon l'ONU, d'ici à 2050, le changement climatique risque de plonger jusqu'à 158 millions de femmes et de filles de plus dans la pauvreté et 236 millions de plus dans l'insécurité alimentaire.

Les Conséquences Directes sur les Populations
Conclusions et Appels à l'Action

Le 6ème rapport du GIEC est un avertissement clair sur l'urgence climatique. Les données sur la hausse des émissions, l'intensification des événements extrêmes, l'impact sur la biodiversité et la sécurité humaine nous rappellent que l'inaction n'est plus une option. Des actions immédiates sont nécessaires pour réduire les émissions de GES, préserver les écosystèmes vitaux, et protéger les populations les plus vulnérables. Cela nécessite une coopération internationale et une volonté politique à toute épreuve, ainsi qu'une mobilisation citoyenne pour exiger un avenir plus durable. Il est temps de répondre à cet appel et de s'engager résolument vers un monde où le climat est respecté, où la biodiversité est préservée, et où chaque individu a la possibilité de vivre en sécurité.

Figure SPM.5 du rapport de synthèse AR6 du GIEC
Figure SPM.3 du rapport de synthèse AR6 du GIEC
Figure SPM.3 du rapport de synthèse AR6 du GIEC

En 2023, selon le Emissions Gap Report 2024, la production d'électricité reste le premier secteur émetteur de GES dans le monde, avec 26 % du total des émissions. Elle est suivie par l'industrie (17 %, y compris la construction) et les transports (15 %). Cette hausse inéluctable des émissions entraîne une augmentation des températures globales, le rapport de l'Organisation Météorologique Mondiale confirme que 2023 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne à la surface du globe de +1,45 °C (marge d'incertitude de ± 0,12 °C) par rapport à l'époque préindustrielle. Les émissions de méthane et de protoxyde d'azote, issues principalement de l'élevage et de l'utilisation d'engrais, continuent également à grimper, aggravant les conséquences du changement climatique.