Histoire de l'Esclavage à l'Île Maurice : Des Origines à l’Abolition

L’histoire de l’esclavage à l’Île Maurice est un chapitre sombre mais fondamental de son passé. Elle a façonné la structure sociale de l’île et a laissé des traces profondes dans la culture et l’identité de ses habitants. Aujourd’hui, les Mauriciens commémorent cet héritage avec des lieux de mémoire tels que le Morne Brabant, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008, et des événements qui honorent les luttes et les sacrifices de ceux qui ont souffert sous ce système. La résonance de cette histoire est toujours présente dans la culture moderne, et elle reste un rappel de l’importance de la liberté et de la dignité humaine.

L’histoire de l’esclavage à l’Île Maurice est directement liée à la colonisation européenne. Avant l'arrivée des colons, l’île était inhabitée et avait seulement servi d’escale aux navigateurs arabes puis portugais. À partir de 1598, les Néerlandais commencèrent à coloniser l’île, qu’ils baptisèrent Mauritius en l’honneur de leur prince, Maurice de Nassau. Ils furent les premiers à introduire l'esclavage sur l'île, amenant des esclaves d'Afrique pour travailler, notamment dans l’exploitation du bois. Les Néerlandais abandonnèrent cependant l'île en 1710, ne s’adaptant pas aux conditions difficiles et préférant s’installer au Cap.

À leur tour, les Français prirent le contrôle de l'île en 1715 lors d’une mission menée par Guillaume Dufresne d’Arsel sous la direction du ministère de la Marine, et la rebaptisèrent Île de France. À partir de 1721, sous l’administration de la Compagnie des Indes orientales, le commerce des esclaves s’intensifia considérablement, faisant de l’Île Maurice, située stratégiquement sur les routes maritimes de l’océan Indien, un centre clé du commerce d’esclaves africains et malgaches.

En 1810, après la bataille de Grand Port, et suite au traité de Paris de 1814, l'île passa sous contrôle britannique, elle y restera jusqu’à son indépendance en 1968. L'administration britannique, avec Robert Townsend Farquhar comme premier gouverneur, apporta des changements sociaux et économiques rapides. L'un des plus importants fut l'abolition de l'esclavage le 1er février 1835. Ce contexte de colonisation multiple a façonné l'histoire de l'esclavage à Maurice, où le travail forcé fut le moteur de l'économie coloniale.

Contexte Historique : Les Colonisations
Législation et Réglementation de l'Esclavage

L’esclavage à l’île Maurice fut un phénomène massif, soutenu par l’essor des plantations de canne à sucre sous les colonisations française et britannique. En 1767, 15 027 esclaves sont recensés contre 65 367 en 1807. Selon des recherches historiques, environ 160 000 esclaves furent déportés vers l'île de 1715 à 1810, principalement depuis l’Afrique, Madagascar et l’Asie du sud. Le recensement de la population montre que les esclaves constituaient jusqu’à 84 % de la population totale de l’île durant cette période, en 1807, sur 77 768 habitants, 65 367 sont des esclaves (Source : Demographic Survey of the British Colonial Empire, Vol2).

Les esclaves étaient principalement employés dans les plantations de canne à sucre, qui formaient l’épine dorsale de l’économie mauricienne. Cependant, ils occupaient aussi des rôles de domestiques dans les maisons des colons et travaillaient dans la construction et l'entretien des infrastructures. La traite d'esclaves à l'Île Maurice connut son apogée à la fin du XVIIIe siècle, avec entre 60 000 et 70 000 esclaves enregistrés sur l'île juste avant la prise de contrôle britannique en 1810.

À l'abolition de l’esclavage en 1835, le gouvernement britannique décida d’indemniser les esclavagistes. 7 317 réclamations furent déposées à Maurice (recensement de l’UCL), et les compensations versées sont estimées à un peu plus de 2 millions de livres sterling pour la libération d'environ 66 000 esclaves. 113 réclamations concernaient des propriétaires de plus de 100 esclaves, dont la valeur allait de 30 à 40 livres. Ces chiffres témoignent de l'ampleur de l'esclavage dans l'exploitation coloniale de l'île Maurice, et de son rôle dans l'histoire sociale et économique de l’île.

Les Chiffres Marquants de l'Esclavage à l'Île Maurice

En 1723, le Code Noir, promulgué par le roi Louis XIV en 1685 pour les colonies antillaises, fut adapté aux territoires français des Mascareignes suite à une demande officielle de la Compagnie des Indes orientales. Il régissait le traitement des esclaves à Maurice et sur l’Île de la Réunion.

Ce code, composé de 54 articles, stipulait, entre autres, que les esclaves étaient des ‘‘biens meubles’’ transmissibles, qu’ils étaient juridiquement responsables de leurs actes, qu’ils ne pouvaient pratiquer que la religion catholique et qu’ils devaient être baptisés. Le code prévoyait également des sanctions sévères pour les esclaves qui tentaient de fuir ou qui désobéissaient, allant jusqu'à l'amputation et la peine de mort.

Sous la domination britannique, l’île Maurice conserva ses lois esclavagistes françaises pendant plusieurs années, même après que le Slave Trade Act de 1807 ait aboli le commerce des esclaves dans l'empire britannique. La réticence féroce des colons à renoncer à ce système économique contribua à ralentir la mise en œuvre de l'abolition. En 1833, le Slavery Abolition Act fut adopté, mais ne fut pleinement appliqué à l’Île Maurice qu’en 1835, après des années de pressions de la part des autorités britanniques.

Les conditions de vie des esclaves à l'Île Maurice étaient extrêmement dures. Le travail dans les plantations, en particulier dans les champs de canne à sucre, était éreintant, surtout sous un climat tropical. Les esclaves étaient souvent mal nourris, mal logés et soumis à des punitions violentes pour la moindre désobéissance. Les maladies étaient courantes, et l'espérance de vie des esclaves était généralement courte.

Les esclaves de l’Île Maurice ne sont pas restés passifs face à leur oppression. De nombreux esclaves ont mené des révoltes et des actes de résistance, cherchant à fuir les plantations pour rejoindre les communautés de fugitifs, appelés marrons par les colons, dans les régions montagneuses et inaccessibles. Des archives historiques indiquent que les esclaves fugitifs, ont joué un rôle crucial dans la résistance à l'esclavage. Ces groupes de résistants vivaient en autarcie dans les forêts et les montagnes, et certains d’entre eux ont été à l'origine de rébellions organisées contre les colons.

De nombreux anonymes ont résisté a l’esclavage, toutefois, certaines figures féminines, emblématiques de la résistance, comme Anne de Bengale, Madame Françoise ou encore Constance Couronne affirment le rôle des femmes dans la lutte. Madame Françoise, cheffe d’un groupe de fugitifs malgaches, a organisé la résistance depuis la foret de Vuillemin et mené des raids sur les plaines de l’est. Constance Couronne, jeune esclave de 9 ans, a tenté d’empoisonner sa maitresse, elle fut condamnée et déportée en Australie en 1833. De nombreux procès verbaux font état des actes de résistance des captifs et démontrent l’organisation et la résilience de ces hommes et femmes face a la barbarie.

Luttes et Résistances
L'Abolition et ses Conséquences

L'abolition de l'esclavage à l'Île Maurice en 1835 s'inscrit dans une longue lutte internationale contre l'esclavage, mais aussi dans une série de réformes législatives qui ont commencé bien avant. La première abolition officielle de l'esclavage en France eut lieu sous l'influence de la Révolution française en 1794, avec la promesse de libérer les esclaves dans toutes les colonies françaises. Cependant, lorsque Napoléon Bonaparte arriva au pouvoir, l'esclavage fut rétabli en 1802. Cette abolition temporaire n'affecta donc pas directement l'Île Maurice, alors sous contrôle français, mais elle montre les premières fissures dans le système esclavagiste qui allait culminer avec la Slavery Abolition Act du Royaume-Uni en 1833, suivie de son application à Maurice en 1835 .

Toutefois, l’abolition ne marqua pas immédiatement la fin des souffrances des esclaves mauriciens. Afin d'éviter une crise économique provoquée par la pénurie de main-d'œuvre, le gouvernement britannique imposa un système d’apprentissage. Ce régime obligeait les anciens esclaves à travailler pour leurs anciens maîtres pendant une période de quatre à six ans, dans des conditions proches de l'esclavage. Ce système fut vivement critiqué par les abolitionnistes, et il prit fin en 1839, en partie grâce aux protestations des anciens esclaves et à l'opposition grandissante en Grande-Bretagne contre ce compromis .

L'impact de l'abolition sur la société mauricienne fut immense. Si les anciens esclaves furent libérés, ils restèrent largement démunis et sans terres. Pour compenser le manque de main-d'œuvre, les colons commencèrent à faire venir des travailleurs sous contrat depuis l'Inde, les ''engagés''. Entre 1834 et 1920, environ 450 000 engagés indiens émigrèrent à Maurice, marquant ainsi le début d'une nouvelle ère démographique et économique pour l'île . Ces changements transformèrent radicalement la composition ethnique de l’île, ce qui se reflète encore aujourd’hui dans la diversité culturelle et linguistique de la population mauricienne.

En 1830, l'ile est couverte d'environ 150 km2 de plantation de canne a sucre, soit 7% de la surface de l'ile

Fresque des portraits d'Eugene de Frobreville

Portrait moulé de Mutadzo dit Victor Lily, par E. de Froberville, 1846

Extrait du Code Noir